dimanche 7 mai 2017


J-J KANTE

            JOUE TES REGLES ET CREE

Jean Jacques Kanté est l’un des représentants singuliers des artistes issus de l’Institut de Formation Artistique de Mbalmayo qui se sont démarqués par leur appréhension  du monde artistique dans la vision « beuyséenne » : l’art c’est la vie, la vie c’est l’art.

L’artiste, pédagogue a dû sacrifier une grande partie de sa carrière en s’effaçant du regard du public pendant plusieurs années pour se consacrer à l’éducation et la formation artistique des plus jeunes, ce que certains d’entre nous verront d’un autre œil. Pourquoi laisser la reconnaissance du public assimilée quelque peu à une gloire pour se cacher. Sept ans se sont écoulées depuis sa dernière exposition individuelle en 2009 et le voilà de nouveau sur la scène.

Arkeo a donc ainsi poursuivi sa course. L’artiste dans cette démarche artistique qui est la sienne et qu’il a lui-même nommé, explore le travail archéologique dans l’art.

Il questionne la vie, les comportements de ses semblables, de son entourage à travers la fouille. Kanté creuse, perce, décompose le matériau pour déceler la substantifique moelle et l’exposer aux yeux du public de façon subtile.

Ce désir se traduit par le choix d’une expression artistique qu’il affectionne beaucoup et qui influence même les rapports de l’artiste avec d’autres expressions qu’il manipule aussi bien telles la sculpture et le bricolage.

La forme, la couleur, la matière (lignes, texture) sont les trois éléments qui décrivent plastiquement son travail.

Que pouvons-nous faire ensemble ? Une question que se pose très souvent l’artiste et qu’il traite depuis plusieurs années à travers des lignes bien précises qui ont fait l’objet d’une investigation ou d’une exploration pendant une période de création. Il n’hésite pas de la mettre encore sur la table et de façon indirecte à travers l’exposition ‘’ Joue tes règles’’. Indirecte de par l’ambiance qui sera créée par la scénographie en majorité ludique.

Connexion, construction, communication, partage, réflexion sont les concepts représentatifs de cette exposition que je nommerai ‘’The coming back’’.

 Le décor investissant la quasi-totalité de l’espace OTHNI- Laboratoire de Théâtre est une grande installation répartie sur cinq blocs qui décriront dans l’espace chacun à leur manière (œuvres, objets et activités) le thème traité ici. Cette installation débouchera sur une grande performance à l’intérieur de laquelle chaque observateur participera à un jeu créé au préalable mais dont il ne connait les règles.

Joue tes règles et crée interroge aussi la présence de l’artiste dans la création et la vulgarisation de son travail. Il est alors à se poser la question : Viendra t’on jouer ou découvrir le travail de l’artiste Jean Jacques Kanté ?

                                                                           Aude Christel MGBA, Commissaire de l’exposition.
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samedi 28 novembre 2015

Impressionnisme et expressionnisme sculptural dans l'oeuvre de Joseph Francis Sumegne


En 1874 en France, et plus tard en 1905 en Allemagne, sont respectivement apparus des mouvements artistiques picturaux : l’impressionnisme et l’expressionnisme. Chacun défendant ses idées, l’impressionnisme celle de traduire la nature dans la beauté perçue au regard, et l’expressionisme dans la mise en avant de l’expression des sentiments de de la vie par rapport aux réalités du temps. Chacune de ces idées était soutenue plastiquement dans le choix des matériaux et leur traitement ainsi que celui des sujets. Ce qui me frappe dans le premier c’est la couleur qui est l’élément esthétique plus utilisé pour soutenir l’idée force. Elle est explorée de différentes manières. C’est à travers elle qu’on crée des volumes et des formes. Dans le second, ce qui attire mon attention, c’est la question de la touche, la trace, du geste de l’artiste qui reste très visible dans l’œuvre fruit de l’action elle-même de l’artiste. Les deux caractéristiques que je viens d’énumérer, je les ai retrouvées dans le travail d’un artiste qui a été reçu après une visite que j‘ai faite dans son atelier, à Rencontre. Sans vouloir le classer dans l’un de ces courants, ce qui serait ma foi insignifiant car les contextes, les délimitations temporelles et idéologies sont différents, ainsi que le propos même et la touche de l’artiste. Ce que je trouve intéressant c’est l’utilisation de ces critères dans le travail de cet artiste. Critère que j’ai ressorti après observation de son travail, rencontré à plusieurs de ses expositions dans différents espaces artistique, après ma rencontre avec le terrain artistique camerounais et dans les différentes discussions avec lui. Joseph Francis Sumegne, le père de la Nouvelle Liberté.
Rencontre avec l’artiste Joseph Francis Sumegne. Rencontre avec le petit garçon qui a grandi aux cotés de sa grand-mère, son premier professeur de dessin à Bamendjou, dans la région de l’Ouest Cameroun, dans les années 1950.
Rencontre avec le petit garçon grandissant son intérêt pour le dessin, par la reproduction de bandes dessinées, dans la boutique de son grand frère, à Bafoussam à ses heures perdues.
Rencontre avec le jeune homme qui décide d’apprendre l’art dans les ateliers des peintres publicistes Feuta François, Dikanda Georges et de bien d’autres encore.
Rencontre avec l’homme désireux d’apprendre, choqué du traitement que lui allouaient ses différents maîtres en l’empêchant de connaître, d’observer même pour mettre à son tour en pratique. Le choc le poussant à l’effort, il ne s’arrête pour autant pas et continue d’aller à la rencontre d’autres univers jusqu’à sa ‘Rencontre’ avec celui pour qui il se revendique jusqu’aujourd’hui élève, Maître Martin Abessolo. Une rencontre qu’il ne manque de citer car elle lui a permis de découvrir le monde artistique, par sa participation à la 3ème biennale du Livre africain, sa première exposition aux cotés de son maître.
« Le laid peut être beau mais le joli jamais », citation de Martin Abessolo qui le guide jusqu’aujourd’hui et qui a participé à la construction de sa démarche artistique le JALA’A dévoilé pour la première fois dans une exposition individuelle dans les années 1990, à l’Institut Français. Une exposition qui suit le « Premier pas », exposition au Centre Culturel Américain en 1976,pendant laquelle il vendra plusieurs œuvres à hauteur de 300.500 francs CFA ; une somme qu’il n’hésite pas à donner en détail car à l’époque de très grande valeur.
Le JALA’A, terme emprunté à sa langue maternelle, le Bamendjou signifie dépassement de soi. C’est la démarche de l’artiste, une quatrième dimension dans l’art. Elle est construite autour de plusieurs formes d’art et techniques tels que le tissage, la soudure, la peinture, la tapisserie, bijouterie, vannerie, collage.Il explore ces différents médiums à des proportions égales. Ce qui rend difficile de parler avec lui de forme de prédilection. L’ensemble est donc employé dans la sculpture que certains pourraient classer dans l’assemblage. Ladite démarche est utilisée pour la réalisation de chacune de ses œuvres, qui restent toutes des pièces uniques. Sumegne donne une deuxième vie à des objets qu’il récupère, collecte, ramasse par ci par là, un vrai travail d’acquisition pour créer un musée d’objets qu’il conserve jusqu’à leur utilisation, dans une pièce telle une réserve de musée. Seul l’artiste maîtrise l’ordre de cet espace, car à première vue on dirait un fourre-tout, suggérant les premiers cabinets de curiosité d’antan. Explorant les volumes dans le vide conscient : «  le degré zéro dans l’art » dit il. Il explore les questions identitaires chez l’homme en nourrissant ses compositions  d’éléments caractéristiques se rapportant à ce dernier. Visage, coiffure et parure, habillement sont mis en exergue dans ses compositions de par leur traitement. Ils dégagent le plus d’expression. Ces outils sont traduits dans les œuvres de Sumegne dans les masques, portraits, personnages humains-plus présents- dans différentes positions et situations,  Il a fallu à l’artiste beaucoup d’endurance pour aboutir  à ce travail connu de lui aujourd’hui. L’artiste est aujourd’hui le maître d’une signature sculpturale riche en formes, en couleurs, en techniques et en dimensions.
La Nouvelle Liberté, sculpture monumentale de 12 mètres de haut, fruit d’une résidence de création à l’espace Doual’art, Centre d’Art Contemporain et Laboratoire de recherches urbaines, de 1993 à 1996, restel’imposant  élément du Rond-Point Deido à Douala. Elle reste l’œuvre qui fait entrer l’artiste dans l’univers de grandes dimensions et celui de la grande famille artistique en tant que Maître. On suppose qu’à partir de cette œuvre que l’artiste aborde mieux la question de l’équilibre dans la posture de ses personnages n’est plus résolue par l’utilisation d’une sorte de béquille pour qu’ils tiennent debout.
1:les Neufs Notables à Doul'Art

Il utilise aussi dans sa création, des thèmes et des éléments de la tradition qu’il a connue tout petit. Rituels, sociétés secrètes, œuvres d’arts (masques, statues, mobiliers) sont des éléments qui sont traduits, pas dans leur nature propre mais transformés plastiquement.
Le Jala’a, démarche technique et philosophique a pour premier objectif la question esthétique. L’artiste poétise les couleurs, la texture, la matière, les volumes et les formes des objets de caractères différents, qu’il a amassés et choisis méticuleusement, l’un après l’autre,  dans son atelier au carrefour Elig-Effa à Yaoundé, pour réaliser des œuvres sculpturales  dotées d’un expressionnisme remarquable, captivant l’attention à première vue. «  L’art c’est l’amour, le rituel et le travail »dit-il. Il traite ses sujets en recherchant des effets de variations de lumière et de forme ce qui crée cette richesse chromatique tout de suite visible dans son travail. Les effets de volumes, d’ombres sont suggérés par ce traitement. Le dessin n’étant pas ici le motif principal de la création. C’est ainsi qu’il pourrait passer des années à la réalisation d’une seule œuvre qu’il peut considérer après un résultat visible, satisfaisant le regard de l’observateur, comme étant inachevée. L’œuvre les neuf notables en est l’exemple. Installation de neuf personnages disposés en cercle vêtus d’étoffes colorées,dans des drapés significatifs, comme s’ils se rendaient à une cérémonie. Au centre un foyer. Chacun des personnages, différents des autres, au niveau du faciès dégageant une expression unique. L’artiste a traité chacune des sculptures soigneusement en leur donnant des postures différentes pour accentuer le caractère singulier des personnages.
2: Visage d'un personnage de l'oeuvre Les Neuf Notables
Il évoque ici le groupe des neuf personnes garantes de l’ordre dans la communauté, qui tempèrent les pouvoirs du chef traditionnel chez les peuples des Grassland. Il utilise cette figure pour parler de la disparition de la tradition et de sa dévalorisation dans nos cultures originaires. Malgré les différentes présences de cette œuvre à divers évènements tels Dak’Art en 2004, une exposition individuelle à Doul’art en 2005, le SUD (Salon Urbain de Douala) de 2007, le maitre continue jusqu’aujourd’hui sa réalisation.
Joseph Francis Sumegne raconte ainsi de belles histoires, histoires du médium pluriel, traduisant d’une si belle manière le fond intérieur de l’artiste penseur qui intrigue même par les titres de ses œuvres : Si la terre pouvait parler ;les vierges dans l’étau ; l’enfant perdu,  quelques une de ses premières œuvres en tapisserie au début des années 1970.
L’artiste n’est pas un donneur de leçon mais il fait attention à tout ce qui l’entoure comme personnes, sujets, discussions et évènements. Cette attention se fait d’ailleurs ressentir dans la facture de ses œuvres. La question du matériel, du palpable, du conservable, du perdurable est phare pour l’artiste. Cette question se ressent de par la vie qu’il donne aux objets déjà utilisés qui ont été jetés, de par le temps qu’il prend pour chacune de ses réalisations et même son point de vue en ce qui concerne l’art contemporain dans la vision vulgarisée aujourd’hui comme culture de l’immatérialité, du concept, vulgarisant une réalité non tangible. Cette idée reste réfutée par l’artiste qui parfois se refuse le titre d’artiste contemporain et préfère l’appellation artiste tout simplement.
Bien qu’effacé de la scène depuis plus d’un an, à travers expositions individuelles, il reste une personne importante de la scène artistique camerounaise. Il est pour l’instant l’un des rares artistes qui a définie toute une signature artistique sculpturale qui porte un nom et un traité philosophique. Il reste aujourd’hui réticent à accueillir des élèves dans son atelier car pense-t-il, c’est à chacun de creuser et trouver sa propre voie. Sumegne reste tout de même accueillant face aux différentes visites qu’il reçoit dans son atelier où il est présent chaque jour.
Rencontre avec Joseph Francis Sumegne le 05 Juin, au FIIAA à Shel Nsimeyong a été une superbe opportunité pour le public présent. L’artiste s’est livré comme jamais et a ouvert comme un livre tous les pans de sa vie. Lui, l’homme, l’artiste,de sa naissance à aujourd’hui, dans un naturel et une humilité si remarquable qui plongea l’assistance dans un voyage méditatif à la compréhension de son travail en profondeur.



                                                                                    Aude Christel MGBA

jeudi 11 décembre 2014

« ORGANICUS »: La découverte du chorégraphe de Merlin Nyakam







« ORGANICUS »
La découverte du chorégraphe de Merlin Nyakam

Abok I Ngoma est un festival de danses et percussions. Il se déroule tous les deux ans depuis 2002 et est aujourd'hui un rendez-vous reconnu à l’échelle international qui réunit plusieurs danseurs, chorégraphes, concepteurs, percussionnistes venant de divers horizons. Cette année, pour une septième édition, il s'est placé sous le thème «On est ou la !». Plusieurs espaces culturels ont été ciblés pour la circonstance pour les répétions et les spectacles: L'Institut Français, Institut Goethe, le Laboratoire Othni et bien d'autres.
C’était la première fois pour moi d'assister à ce festival et ça été une belle découverte. J’y ai fait un tour le 28 novembre à l'Institut Français de Yaoundé. Trois présentations, donc deux de deux danseurs venant de Tunisie et une autre du chorégraphe et concepteur franco-camerounais Merlin Nyakam. La dernière était d’ailleurs la présentation principale de la soirée.
La première présentation, celle de Myriam Boujaha avait pour titre «vertige». Le vertige on l'a ressenti dans la force, l'expressivité des gestes et mouvements de la danseuse vêtue d'un tutu de couleur blanche, dans un décor constitue pour la circonstance. Très profond en même temps méditatif et suscitant questionnements.

Image 1 : Myriam Boujaha dans « vertige », cliché Mgba Aude C.
Pour en venir directement à «Organicus», titre du spectacle, faisant référence à l'attitude des danseurs, un appel à la sincérité. De mon analyse domine par le champ des arts visuels, je dirai que j'ai été satisfaite par la parfaite symbiose visible entre les arts tactilos musculaires et audiovisuels. D’une durée d'une heure et quelques minutes, six danseurs ont su nous plonger dans leur univers sachant tenir le public en alaine durant tout le spectacle. Une révision contemporaine des danses locales: Ekan, Assiko, Ambassibe. Sous une musique riche composée par l'artiste musicien et percussionniste Emmanuel Wandji, les danseurs très synchrones exécutaient les mouvements d’ensemble dans une légèreté saisissante et virant parfois à de l’humour. On arrivait à lire à travers ce qu’ils racontaient : l’histoire de la danse des instruments de la musique, des rythmes.  Je me suis retrouvée dans les paroles, les couleurs mises ensembles à travers costumes et éclairages, dans des contrastes de complémentarité. Rien n’était présent par hasard. Ça s’est senti et vu. Et dire que la préparation de son décor quelques minutes avant e spectacle et e devant les spectateurs a un peu suscité des discussions créant un désintérêt ; et voilà qu’il se termine par une longue ovation du public très impressionné par le professionnalisme des danseurs et de l'auteur de celui-ci. On a envie de dire encore et encore « Organicus » on ne se lasserait.

Image 2 :" Organicus" exécutés par les danseurs , cliché Mgba Aude C.



                                                                                                 Mgba Aude Christel